A chaque fois que je les dessinais, je pensais à ces espaces que l'on rencontre si souvent au Japon comme des "jardins de rue". Je ne sais pas s'il existe un terme en japonais qui recouvre le concept. En fait, il s'agit bien plutôt d'occuper le seuil que la rue. Ce sont des "jardins de seuil". C'est à dire de l'interface entre la rue et l'habitation. Certains habitants ne l'utilisent pas du tout. La plupart s'en servent pour étendre l'espace habitable, toujours dans la limite du raisonnable et d'une décence civique, que j'imagine ici puissante et respectée. On occupe au maximum l'espace qu'occupe un vélo que l'on gare sur le pas de porte.
Tout l'espace contenu entre la porte et la roue du vélo peut être rempli de son propre "chez soi", de son propre intérieur, que l'on aurait retourné comme une chaussette. J'ai parlé du tabou qu'il existait à se mêler de cet intérieur exposé. On doit passer devant comme on se fraie son chemin dans la foule: sans regarder sur les cotés.
Même la froide et algorithmique Google-car semble impudique à cet habitant surpris en train de bichonner un petit érable en pot. Je me sens délicieusement coupable de dessiner ce japonais dans son intérieur-extérieur et, finalement, je me dis que je n'aurais jamais pu le faire sans l'aide de la multinationale californienne, qui m'épargne d'avoir à voler moi-même ce moment!